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Article - Les Fous Furieux Frigorifiés

Page history last edited by Jerome Moisand 14 years, 1 month ago

Les Fous Furieux Frigorifiés

 

Début Décembre, j'ai commencé à repenser au First Fishing Folly. Allez, cette année, il faut que je participe de nouveau... Il faut que j'attrape la première carpe de l'année... Et si j'appelais mon copain Dominic... Aussitôt pensé, aussitôt fait, et Domm était partant.
 
First Fishing Folly? C'est quoi, ça? Alors là, il faut faire un peu plus attention quand vous lisez Carpe Scene Collector! Vous souvenez-vous d'une photo "coup de coeur" avec des triplées, une photo publiée en 2006? L'histoire de ces petites filles de 9 ans qui ont toutes les trois attrapé une carpe le premier Janvier? Bon allez, je vais vous rafraîchir la mémoire.
Pour commencer, je suis Français, mais j'habite aux Etats-Unis (à Boston) depuis 10 ans. J'ai repris la pêche à la carpe de mon enfance quelques années après être arrivé dans un environnement très propice (beaucoup d'étangs et de rivières pleines de carpes, et très peu de carpistes!). Je me suis beaucoup impliqué dans le principal groupe de carpistes américains, le Carp Anglers Group (CAG). Et le premier Janvier 2004, j'ai créé et coordonné un événement amical un peu fou qui consiste à aller pêcher le jour de l'an. Et je l'ai baptisé le "First Fishing Folly" (FFF). J'ai réussi à aligner plusieurs dizaines de participants de toute provenance, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi au Canada et même un pêcheur situé au Honduras. Et en plus, on a réussi à prendre un bon nombre de carpes, même dans les endroits où on trouve plus de glace que d'eau à cette période de l'année (Boston par exemple!). Quelques prix récompensaient la première carpe de l'année (heure locale), le plus gros poids total, etc, mais ce n'était en rien une compétition sérieuse, juste un événement amical et un challenge personnel. Depuis, l'événement a pris de l'ampleur, culminant le premier Janvier 2007 à 148 participants répartis dans 20 états des Etats-Unis (et un état du Mexique), 280 carpes prises, et 229 d'entre elles dans une eau à moins de 10 degrés Celsius.
 
Début 2007, j'ai commencé à fatiguer franchement des querelles de pêcheurs au sein du groupe (ca doit rappeler quelque chose à certains d'entre vous; mais comment peut on se disputer si fort pour un loisir... bon, bref, passons), et j'ai tout envoyé balader! Que donc que le premier Janvier 2008, on était en train de visiter la ville de Mexico avec ma famille et bien loin de la pêche. Mais quand le virus vous tient... Surtout pour un événement que j'ai créé de toutes pièces et qui a toujours été l'un des plus sympas de l'année.... Que donc que pour le premier Janvier 2009, j'ai voulu être un simple participant, et me suis lancé le défi de prendre la première carpe de l'année en Amérique du Nord!
 
A Boston, nous avons la chance d'avoir un emplacement assez incroyable, en pleine ville, juste en face du Massachusetts Institute of Technology (MIT), où les carpes se regroupent en hiver. C'est l'intersection de la Charles River (qui sépare Boston de Cambridge) et de la Muddy River qui amène plein d'éléments nutritifs. Et aussi une sortie d'égout qui amène de l'eau légèrement réchauffée par la ville. Mais... c'est presque trop facile de pêcher là! J'ai toujours voulu trouver un autre endroit où pêcher l'hiver, donc j'ai essayé de nouveau cette année pendant les week-ends de Décembre.
 
En 2006, fin Décembre, j'avais réussi à tirer quelques carpes de la Charles River en amont, une petite ville pas loin de chez moi qui s'appelle Watertown. Il y a un mur qui est bien exposé au soleil pendant toute la journée et reflète la chaleur, donc cela semblait favorable. J'ai donc appâté, j'ai pêché là bas deux fois, et bernique, rien n'a bougé. Pas d'accès en bordure à cet endroit, je voulais baptiser un filet triangulaire qu'a bricolé un ami Canadien, qu'on peut descendre dans l'eau le long d'un mur avec une corde, mais je n'ai pas eu l'occasion d'y mettre une carpe. Si vous observez la photo, vous pouvez remarquer le filet en question, et cette substance bizarre, blanche et poudreuse... Ca s'appelle de la neige, c'est froid et ça commence à tomber par chez nous courant Décembre!
Un autre jour, en me promenant à Cambridge près du Musée des Sciences local (très bien, d'ailleurs), j'ai remarqué que l'eau de la rivière ne s'écoule pas uniquement par l'écluse que je connaissais, mais passe aussi en dessous du Musée au travers de vannes souterraines. Intéressant. J'ai donc contourné le Musée et j'ai été voir de l'autre côté. J'ai trouvé un bassin sans la moindre trace de glace, alors que le reste de la rivière était légèrement gelé ce jour-la. Très intéressant. Mais le flot de l'eau s'est avéré trop puissant, et ce n'était pas vraisemblable que les carpes se regroupent à cet endroit en hiver. J'ai quand même essayé, y compris un spot avec une cassure de courant, mais encore une fois sans succès. Pas facile de les trouver, ces dames en hiver.
 
En discutant avec Domm, il m'a rappelé une autre idée que nous avions eue une année précédente, un emplacement derrière un pilier de pont qui produit bien en Automne. Je ne voyais pas trop pourquoi les carpes resteraient là en hiver, mais Domm voulait vraiment essayer, et puis je n'avais pas d'autre idée en réserve. J'ai été appâter la veille au soir (marrant de jeter des appâts du haut d'un pont de 20 mètres de haut!), et nous avons profité d'une journée exceptionnellement chaude, 15 degrés Celsius, alors ça, c'était miraculeux. Je suis arrivé le matin avant Domm, et il avait raison, la glace avait fondu et cela semblait favorable encore qu'un vent vicieux me refroidissait bien les oreilles. J'ai mis en place mes deux cannes, en les mettant directement à plat sur le rivage (le vent était assez violent pour renverser mon rod pod!). Et puis, j'aime bien faire ça; un départ qui déclenche le petit bruit caractéristique des Baitrunners Shimano qui déroulent, je trouve ça bien plus excitant qu'une alarme électronique stridente. Une heure plus tard, je commençais à verdir. Le temps chaud faisait fondre un gros amas de glace en amont, lequel est arrivé sur mon spot, et vous pouvez voir le résultat sur les photos. Là, si j'avais eu un départ à ce moment-là, c'était la cassure assurée! Domm est arrivé et la glace a fini par s'écouler quand il a commencé à souffler dessus. Non, je plaisante, le vent s'en est chargé! On est resté deux heures de plus, mais encore une fois, la chance n'était pas de notre côté. Nous avons fait un dernier essai à Watertown, sans succès non plus.

 

Résumé des courses, on était à court d'idées pour trouver un nouvel emplacement, et nous avons décidé de nous rabattre sur le coin magique habituel. Que j'avais appâté de façon régulière depuis quelque semaines, parce que je me doutais bien qu'on en viendrait là... Les granulés à chevaux et le maïs cuit étaient partis en grande quantité nourrir les dames carpes. Et si vous pensez que les carpes se nourrissent peu en hiver, vous devriez regarder mes vidéos sous-marines sur YouTube. Un coin bien oxygéné et suffisamment riche côté nutrition, et les carpes d'hiver se nourrissent autant qu'au printemps!

 

Ceci dit, nous avions un nouveau problème qui nous attendait. Les 15 degrés Celsius, ça n'a duré qu'une journée. Les journées suivantes étaient encore assez douces, mais monsieur Météo n'est pas toujours l'ami des carpistes et a commencé à nous dire qu'on aurait une belle chute de neige le 31 Décembre, une température très basse pendant la nuit (dans les moins 10) et des rafales de vent glacial pour tout arranger. Et à peu près la même chose dans la journée du 1er Janvier. J'ai maudit Mr Météo, je l'ai menacé de tous les maux, mais il n'a pas voulu changer d'avis. Tous des traîtres, ces météorologistes.

 

Le 30 Décembre, le moral était bas. Je me suis quand même secoué le soir, et j'ai été appâté une fois de plus, sans grand espoir. Au moins, la rivière n'était pas gelée à ce moment là. Le 31 Décembre est arrivé. La tempête de neige aussi. Un bon 30 centimètres de neige. Dur de pelleter devant sa maison. Toutefois, comme prévu, la tempête s'est arrêtée en fin d'après-midi, c'était toujours ça de gagné. Je me suis habillé très chaudement (six couches de vêtements sur la poitrine, trois couches de pantalons, et deux paires de chaussettes!) et je suis parti relancer un petit peu d'appâts vers 10 heures et demie du soir. Je sais d'expérience que si on active les carpes, elles continuent à ratisser le fond pendant des heures. Surtout avec des granulés solubles et un petit peu de maïs doux. Ca, elles adorent! Un léger détail, j'ai cassé la fermeture éclair de ma veste juste avant de marcher vers notre emplacement. Et des rafales de vent glacial à 40 kilomètres/heure avec une veste ouverte, ce n'est pas un bon plan du tout! Coup de chance, j'avais une veste de rechange dans ma voiture. Et puis, malgré le froid (et oui, moins 10 degrés Celsius, Mr Météo avait raison), l'eau n'était pas gelée. Je suis parti chercher Domm, et là on a un peu merdouillé. Il n'a pas compris que j'étais en bas de son appartement à l'attendre, il croyait que j'étais encore en route. A 11:20, je l'ai rappelé, un peu paniqué par le temps qui s'écoulait. On est enfin parti à 11 heures et demie, et c'est une bonne chose que les flics n'ont pas vu ma voiture rouge traverser la ville à grande vitesse!

 

Nous sommes arrivés à notre emplacement avec notre matériel à minuit moins dix! J'ai relancé quelques grains de maïs (qui avaient gelé dans ma voiture dans l'intervalle) dans l'eau en vitesse, on a assemblé nos cannes et le filet, et à 11:58, on était prêt! Sans le moindre trouble-fête, pas d'autre carpiste en vue. Ouf! Les règles du FFF préconisent de ne pas mettre sa canne à l'eau avant minuit tapant. Dont acte. A minuit, Domm a mis une seule canne à l'eau, très confiant. Moi, je n'étais pas si confiant et j'ai mis deux cannes à l'eau. En quelques minutes, ma moustache et ma barbe étaient bien gelées. Je me traitais de fou furieux quand Domm a crié "une de tes cannes bouge"! Je n'avais pas vu avec le vent! J'ai ferré gentiment et OUI, c'était bien un départ. J'ai commencé à tirer le poisson sur le côté, là où on pouvait mettre nos prises au filet. Lequel filet était déjà complètement rigide, gelé à mort. J'ai maladroitement mis le filet dans l'eau et je travaillais ma carpe quand Domm a crié de nouveau "j'en ai une aussi, mais elle s'est emmêlée dans ta deuxième canne". Oui, bon, désolé, mais je ne pouvais pas faire grand chose pour lui, et j'étais très focalisé sur ma propre capture. Qui a trouvé le filet à minuit cinq! Alors là, si je ne suis pas le gagnant cette année, je mange la glace de la rivière! Pendant ce temps-la, Domm avait réussi à dégager sa ligne de ma canne et ramenait sa prise en bordure. Ah oui, mais... problème. Pressé par le temps avant minuit, j'avais complètement oublié de mettre en place mon tapis de réception. Donc j'ai déposé ma carpe sur le sol gelé sans trop de cérémonie. J'ai repris mon filet et je me suis précipité un peu vite vers le bord. Ouh là, ça glissait, et je me suis retrouvé les quatre fers en l'air dans la neige et dangereusement près de l'eau glaciale. Je me suis relevé, et j'ai glissé de nouveau. Bon. On va peut-être essayer d'arrêter de se tuer, j'ai recommencé plus précautionneusement, et la carpe de Domm était dans le filet à minuit sept! Incroyable!

 

Maintenant, il nous fallait des photos. Certes, mais mon appareil photo numérique refusait de fonctionner. Après un bref instant de panique (est-ce du au froid? vais-je avoir des photos de nos premières carpes de l'année?), j'ai compris que j'avais mis la pile à l'envers après l'avoir rechargée durant l'après-midi. J'ai corrigé le problème, l'appareil s'est mis en marche et a affiché l'heure, quelques minutes après une heure du mat. Hein? Ah zut, je ne l'avais pas ajusté après le changement d'heure hivernal. Et je ne voulais pas que nos photos historiques soient à la mauvaise heure. Mais comment on règle l'heure? Avec des doigts à moitié congelés, pas évident. J'ai enfin réussi, j'ai regardé Domm qui s'impatientait franchement, il m'a montré du doigt les deux carpes. Euh, elles commençaient à virer de l'oeil et à ressembler plus à un étal de poissonnier qu'à des poissons bien vivants. Vous n'allez pas me croire au vu des photos, mais elles bougeaient encore quand on a enfin pris les photos. Mais je dois bien reconnaître que quand on les a remis à l'eau, l'une d'elles (sans doute la mienne) est remontée le ventre en l'air et n'a pas survécu à l'expérience.

 

 

Bon, dommage, mais c'est comme ça qu'on apprend. En faisant des erreurs et en les corrigeant. Leçon numéro 1: on ne dépose pas une carpe sur le sol gelé. Leçon numéro 2: on s'occupe d'un poisson à la fois, pas plus. Leçon numéro 3: être prêt pour la photo, faire vite, et relâcher la carpe presto.

 

Nous avons donc commencé à pêcher de façon un peu plus organisée. Le tapis de réception était en place, le filet (toujours gelé!) près de l'eau, et une seule canne pour chacun avec un accord qu'à la première prise, l'autre canne était rembobinée de suite. Cela n'a pas pris longtemps, et Domm a attrapé un monstre de... 3 livres et 10 onces! Pas évident de la peser avec le vent, il a fallu aller se mettre un peu à l'abri derrière un muret, mais cette carpe est bien repartie à l'eau sans encombre. Nous avons remis nos cannes à l'eau, j'ai eu un départ quasi immédiat, mais nous avons perdu ce poisson à cause de ce sacré filet gelé qui s'est aggrippé sur des rochers. Leçon numéro 4: mettre la carpe au filet à un endroit plus dégagé. Et aussi moins glissant!

 

Nous sommes revenus vers nos cannes, et Domm a remis la sienne à l'eau de suite avec le même appât, un grain de maïs dur. Moi, je pêchais au maïs doux, donc il fallait changer à chaque fois. Ah oui, mais avec un vent à décorner les boeufs, un froid de canard, des grains de maïs gelés et un cheveu recouvert de glace, ce n'était pas évident. En plus, mon pouce pissait le sang, je m'étais écorché sur la boite de maïs. Ca rajoutait des protéines à l'appât, vous me direz... Je n'étais toujours pas prêt quand Domm a eu son départ suivant. Bien joué, camarade. Photo et pesage rapide, remise à l'eau, on commençait à prendre le coup. Un léger détail, Domm a oublié de remettre ses gants après avoir décroché l'hameçon et a commencé à prendre la carpe à mains nues. Donc il s'est mouillé les mains. Pas un bon plan par ce temps-là. Mais alors pas du tout! Il a vite remis ses gants, mais le mal était fait. Leçon numéro 5: ne pas mouiller ses mains avant de remettre ses gants!

 

 

Le scénario s'est répété, Domm avait un train d'avance sur moi. Il a eu un autre départ avant que je réussisse à gagner ma bataille contre le maïs doux. Le coup d'après, j'ai enfin réussi à mettre ma canne à l'eau, mais j'ai du rembobiner immédiatement; encore un départ pour Domm. Ce fut le plus gros poisson de la soirée, enfin, c'est assez relatif, ce n'était qu'une 12 livres. Avec une photo assez psychédélique. Leçon numéro 6: éteindre sa lampe frontale avant de prendre une photo de nuit. Oui, ça semble évident, mais je voudrais vous y voir, les neurones ne fonctionnent pas très bien quand on se les gèle dans les grandes largeurs!

 

 

Ca commençait à devenir un peu frustrant pour moi, mais Domm avait indiscutablement eu raison d'utiliser un appât plus dur et immédiatement réutilisable. Par contre, il commençait à devenir tout bleu, le camarade... Vous vous souvenez des mains mouillées? C'est mortel. Et je n'ai pas mentionné qu'une de ses chaussures n'était pas parfaitement imperméable, donc il avait aussi très froid à un pied. Quand il a bafouillé en tremblant que ça serait bien de rentrer au chaud et qu'il ne relançait pas sa canne, j'ai compris qu'il était temps pour moi d'attraper un dernier poisson pour l'honneur et d'arrêter la folie furieuse! Et bien, ca m'a pris dix minutes sur ce coup-là. Les carpes avaient du commencer à comprendre la situation! J'ai ramené ma prise avec très peu de résistance, et... c'était un crappie, une sorte de perche locale. Sale bête! Bon, allez, ca suffit, Domm était près de tourner de l'oeil. J'ai du laisser mon filet au bord du rivage, je ne pouvais pas le démonter (voir la photo que j'ai prise plus tard dans la matinée). 

 

Pendant que Domm se traînait misérablement vers la voiture, j'ai quand même pris le temps de jeter une bonne dose d'appâts pour maintenir les carpes en place pendant la nuit, et de mesurer la température de l'eau, deux degrés Celsius au fond de l'eau, rien de plus. Et c'était juste devant la sortie d'égout. En fait, le vent nous a probablement rendu un fier service, en agitant l'eau et retardant la prise de glace. Au fait, en parlant des effets du vent, la fermeture éclair de ma deuxième veste était aussi en mauvais état, c'est pour cela que vous pouvez admirer un cou de pêcheur bien rouge sur les photos. J'ai attrapé une bonne crève ce soir-là.

 

 

A deux heures du matin, nous étions dans nos lits respectifs, mais je n'ai pas beaucoup dormi, des images de carpes congelées me tournaient dans la tête. Quelques heures plus tard, après un solide petit déjeuner, un beau soleil (mais sans aucune chaleur) éclairait la route et me donnait l'occasion d'une belle photo. J'ai été prendre Domm chez lui vers huit heures, nous voulions maximiser notre temps de pêche, les journées sont courtes en hiver.

 

 

Après avoir spéculé joyeusement sur le nombre de carpes que nous allions prendre dans la journée (vingt chacun? plus? qui allait en prendre le plus? comment gérer au mieux la journée?), nous sommes arrivés à la rivière et le moral a rejoint la température extérieure, franchement en dessous de zéro. M'enfin, quand nous sommes partis quelques heures plus tôt, il n'y avait pas trace de glace. Et maintenant, notre coin favori était complètement bloqué par plusieurs centimètres de glace. C'était totalement rageant, nous savions que des centaines de carpes nous attendaient la bouche ouverte, mais impossible de pêcher.

 

 

Domm était totalement dans les trente-sixièmes dessous, il n'avait pas pêché depuis plusieurs mois (pris par son travail), nous savions que nous avions une solide chance de prendre plus de carpes que tout autre participant, si seulement l'eau n'avait pas gelé si soudainement. Trente mètres plus bas, il y avait une petite ouverture, mais Domm a dit de suite ce que je savais, les poissons ne viennent jamais là, ils se regroupent devant le muret. Mais je ne voulais pas abandonner. J'ai donc appâté légèrement, et mis deux cannes à l'eau et on a été s'abriter du vent glacial derrière le muret et boire le chocolat chaud que ma femme avait préparé après que je l'ai sortie du lit à coup de pieds froids le matin même. Moi, j'aime bien le chocolat préparé avec amour par ma femme. Mais je crois que l'ingrédient "amour" manquait un peu sur ce coup-là. On ne peut pas tout avoir, et je dois dire que je préférais le chocolat ce matin là. Ca y est, j'ai perdu les quelques lectrices qui lisaient mon récit... Allez, revenez, je plaisante, je plaisante. Où est-ce que j'en étais? Ah oui, la petite ouverture dégagée. Deux cannes à l'eau. Les poissons qui sont 30 mètres plus haut. Ca n'a évidemment pas marché.

 

 

 

Nous nous sommes demandés si nous devrions essayer un autre emplacement près du Musée des Sciences où on peut parfois attraper quelques carpes en hiver, mais nous avons vite conclu que le niveau d'eau était beaucoup trop bas par là-bas. Domm avait vraiment perdu le moral, et voulait rentrer chez lui et se rouler en boule dans son lit! J'ai voulu tenter une dernière chance. J'ai appâté l'ouverture plus profusément, en espérant attirer les carpes. Evidemment, si cela avait été en aval de là où les carpes étaient regroupées, cela aurait été beaucoup mieux, les effluves auraient pu se diffuser de façon appropriée, mais je n'avais pas le choix, tout le reste de la rivière était gelé. J'ai ramené Domm chez lui, je suis rentré chez moi aussi, j'ai pris un solide déjeuner (chaud!) et je suis parti faire la sieste sur le canapé. Ma femme et mes fils ont prétendu que j'ai ronflé comme un sonneur, mais moi, je n'ai rien entendu, ils disent n'importe quoi!

 

En milieu d'après-midi, j'ai remis mes couches de vêtements et je suis retourné étudier la situation. Le plan était d'appeler Domm si jamais un miracle survenait. Sinon, de le laisser au chaud! Bonne surprise, l'ouverture était toujours là, donc je suis reparti chercher mes cannes dans la voiture et suis revenu pêcher de nouveau. Enfin, pêcher, c'est beaucoup dire. Je n'y croyais pas vraiment, mais quand on essaie rien, on n'a rien. Je me suis occupé en faisant des photos de brindilles congelées. C'est marrant comme ces brindilles moches peuvent devenir aussi esthétiques dans une gaine de glace. Comme le vent soufflait toujours, je prenais deux photos et je mettais mes mains a réchauffer dans mes gants pendant dix minutes. Deux photos de plus, etc.

 

 

 

 

Une heure et demie plus tard, j'avais plein de belles photos, mais point de carpe, je toussais comme un vieux fumeur de cigarettes (et je n'ai jamais fumé de ma vie!), et le soleil se couchait déjà... C'est bien d'avoir de la ténacité, mais il fallait bien reconnaître ma défaite, l'hiver de Boston avait vaincu le pêcheur fou. Mais bon, nous avons attrapé plusieurs carpes juste après minuit dans des conditions mémorables, c'était déjà pas mal.

 

J'ai jeté tout mes appâts restants dans l'eau libre, les carpes vont bien venir par les trouver. J'insiste, elles se nourrissent en hiver, et parfois très activement. J'espère vous avoir convaincu d'essayer. Peut-être dans des conditions un peu meilleures, quelques degrés de plus, un peu moins de vent, un peu moins de glace, mais si vous les trouvez en hiver dans un endroit bien oxygéné, je vous promets monts et merveilles. Allez, sortez de votre maison, la saison de pêche à la carpe ne s'arrête jamais!

 

 

PS. j'écris cet article pour David une semaine après cette journée folle. Comme il a commenté, c'était un truc de malade mental, mais j'ai un sourire de contentement béat quand j'écris ces lignes. Parce que c'est une histoire dont je me souviendrais toute ma vie. Bien après que ma toux soit passée et que mon filet ait dégelé. Et c'est ça qui compte, les beaux souvenirs de pêche.

 

PS2. j'ai bien pris la première carpe de l'année. Et Domm la deuxième. En fait, peu de participants sont sortis pêcher cette année, la vague de froid était généralisée et a fait fondre les troupes. Une autre personne a pris une carpe à minuit dix dans le Tennessee, bravo. Et son beau-fils a sorti un poisson-chat de vingt-cinq kilos plus tard dans la journée! Incroyable! Le Fist Fishing Folly a encore bien mérité son nom cette année.

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